Tableau de Richard Ranft où l’on voit au fond les tas de sable sur la berge et la carte postale du même lieu : Le quai de Chétivet à Gournay sur la rive droite de la Marne.
Sable, grue, et barges, un important travail dont témoignent les premières cartes postales des bords de la Marne à Gournay.
Il faut cependant remonter un peu dans l’histoire pour comprendre ce travail de Tireurs de sable dans la rivière avant même l’arrivée de l’industriel et de sa drague de sable.
La carte de la navigation ci-dessous de 1694 (BNF Sud vers le haut) donne les endroits propices possibles de la récolte du sable, mais nous n’avons pas d’image de cette époque: » Plaque à fleurs d’eau « « Gravière à fleur d’eau « « Bassier à fleur d’eau » !
Vue possible de la carte postale depuis l’amont avec les premières maisons du quai en hauteur de Champs sur Marne
Travail artisanal avec une barque et de grandes pelles râteaux, ou bien à la main avec un seau passoire, comme on peut encore le voir dans les pays émergents…
Sur cette image il s’agit de l’extraction du sable de Loire:
L’extrait de carte ci dessous montre l’étendue des creusements de la berge, sur la rive gauche de la Marne face au moulin de Chelles, si importants que la cartographie se croit obligée de les mentionner…
Carte de 1887 IGN la carte d’état major montre le creusement de la berge ancien halage abandonné en 1860 avec l’ouverture du canal de Chelles 8, 8 km reliant Vaires en amont à Neuilly en aval
Hector Malot avait déjà décrit ces tireurs de sable à Gournay dans son texte en 1875
Baudoin François en bas à droite dragueur travaillant pour le patron Bourgeois
Ferdinand Adolphe Bourgeois Marchand de sable né à Chelles en 1867- inhumé à Chelles en 1953
François Beaudoin change de patron, il travaille désormais pour Gabriel Hiser qui s’installe à Chelles en 1908
Recensement 1911 quai de Marne: à droite dragueur travaillant pour Hiser
Le domicile bureau du dragueur François Baudoin et Mme Marie Baudoin née Fouassier stationné à Chelles ( à noter la niche sur le bateau)
Ci dessous le bateau un peu délabré avec du sable sur la berge il semble qu'il y ait une vente sur place aux particuliers ?
Il n'y a pas que le sable qui incommode pour le développement du tourisme au quai de Chétivet !
Rappelons que les égouts ne seront installés au quai de Chétivet, devenu Promenade Marx Dormoy, que dans le milieu des années 1980 ...
François Baudoin le dragueur qui logeait avec son épouse au N° 16 quai de Marne à Chelles ne se laissait pas distraire de son travail : le dragage. Ni les pêcheurs, ni les lavandières, ni les baigneurs ni les badauds des bords de Marne ne devaient le distraire.
bateau drague accosté au quai de Marne à Chelles:
Son patron Gabriel Hiser était très à l'aise sur l'eau, originaire de Soissons, il fut trois fois champion de France d'aviron, et sa formation de géomètre l'avait familiarisé avec les travaux de terrassement, et les gravières.
(Collection familiale)
Le petit remorqueur, le voici au même endroit du quai avec sa cheminée caractéristique, à coté une barge vide pour stocker le sable extrait de la rivière.
Gabriel Hiser au centre troisième depuis la gauche
( Photo collection familiale)
Le sable symbole du temps qui s'écoule. François Baudoin n'avait pas le temps de le contempler car son patron Gabriel Hiser du 26 quai de Marne avait une concession limitée dans le temps pour l'extraction de sables et graviers consentie par la préfecture pour exploiter la Marne sur un tronçon bien défini.
Le sable était historiquement extrait près du Moulin de Chelles quand la Marne était navigable. Après la création du canal de Vaires à Neuilly, le dragage de la rivière était devenu une fin en soi. Le sable de la Marne et en particulier celui de Chelles, bien roulé, de forme bien ovale était très recherché dans le bâtiment.
La cheminée du dragueur est rabattue au dessus de la cabine.
Les dragueurs étaient avant tout des mécaniciens qui devaient maitriser parfaitement le fonctionnement du moteur à vapeur, et les engins de dragage et de grutage.
La fiche militaire du patron Gabriel Hiser, mise à jour en 1925, le recensait dans la profession des entreprises de grues et machines à vapeur. Avec la vapeur, la mécanisation du dragage et de l'extraction du sable du fond des rivières avait créé une industrie à partir des années 1875.
Le sable extrait par la drague, séparé de l'eau par gravité était déversé dans une barge. Le canot à vapeur qui stationnait devant le 26 assurait les rotations des barges entre la drague et le quai-chantier juste en aval du pont de Gournay où une grue à vapeur à poste sur barge ou sur ponton flottant déchargeait le sable des barges sur la berge. De là le sable était chargé sur camion-benne emporté vers des chantiers de construction ou vers les péniches au port du Petit Paris ou vers la gare de marchandises de Chelles.
(Collection Claude Galley) un travail artisanal sur toute la rivière de Marne
ci dessous drague sur la Garonne:
(dessin d'après une photo de cette grande drague par Lucien Follet)
Revue de Technique allemande de 1894
Les godets (G) sont solidement fixés à une chaîne sans fin (E), montée sur un bras mobile (F, ici positionné en hauteur par une crémaillère L, sur la photo toulousaine près du manoeuvre à gauche), et entrainée en partie supérieure par un mécanisme ou moteur (C) mis en oeuvre (sur les vieilles dragues) par une petite machine à vapeur (B), rendant par ailleurs la drague automotrice, située en général à l'arrière ou dans la cale de la drague (on la voit à gauche sur le schéma, on en voit la cheminée sur la photo de la drague toulousaine.
Les godets étant solidement fixés à la chaîne;
ils viendront racler le fond sur lequel le bras de la drague se sera posé, exerçant la pression suffisante au raclage d'un matériau friable très simplement par son propre poids et celui de la barge (moins la poussée d'Archimède proportionnellement faible par rapport au poids). Les godets remplis de sable ou de vase remontent en partie supérieure et arrivés en haut du bras se vident (petite flèche vers le bas sous les rouages d'entrainement de la chaîne) pour redescendre dans un petit silo de réception muni d'une ou plusieurs goulottes pour évacuer les matériaux à l'extérieur de la drague (quai, barge ou péniche péniche accostée à la drague).
C’en est trop les hôteliers et les restaurateurs du quai de Chétivet protestent contre cette nuisance (photo du quai de Chétivet sable et cailloux de Marne)
L’essor du tourisme avec les artistes en particulier comme on l’a vu avec le tableau du début de cette page change radicalement le devenir des berges de Chelles -Gournay… Place aux loisirs...
Le Petit Pontoisien du 8 mai 1897
Marne-Plage au bord de l’eau quai de Chétivet deux baigneuses qui posent fièrement.
Gabriel Hiser ayant accaparé avec son sable ce bord de Marne qui par l’impasse du canal donnait directement sur le port rendait ce lieu trop industriel ce que les patrons des restaurants du quai de Chétivet voyaient d’un mauvais oeil pour le tourisme : Dragues, grues et bateaux à vapeur intimidants par leur bruit de locomotive et leur fumée de charbon et sable qui déborde rendaient la berge inaccessible...
L’éditeur de la carte postale ne manque pas de cynisme en titrant « Marne-Plage » pour ce chantier de marchand de sable.
À gauche de l’image, n’est-ce pas Gabriel Hiser le marchand de sable qui semble, c’est bien son tour, voir d’un mauvais oeil ces touristes baigneurs dans ses barges et tas de sable que lui envoient les restaurateurs .
Vue vers l’amont avec un nouveau bateau neuf, plusieurs barges vides, les deux du fond possèdent le mat servant au halage sur berges, le cheval est en attente, tout le sable a été enlevé de cet endroit du quai de Chétivet enfin nettoyé par l'industriel...
Hiser s’est semble t’il résigné à déplacer le gros de son chantier sur la même rive environ 800 metres en aval du pont, là où la Marne amorce son fameux coude au plus près du canal bordé de peupliers:
mais une autre carte postale témoigne de barges avec des mats ce qui laisse entendre que tractées par des chevaux ces barges de sable longent la haute île pour se retrouver à Neuilly sans devoir emprunter le canal…
ci dessous le bateau drague stationné juste avant le virage de la rivière, avec au fond une vue aval sur Noisy-le-Grand
(erreur de dénomination il ne s'agit pas de la berge de Chelles, mais de celle de Gournay rive droite)
Les chevaux de halage avec des péniches, face à la mairie de Gournay.
Tableau de Richard Ranft
les mêmes péniches sans moteur avec le mat pour les tirer depuis le halage se retrouvent aussi sur le canal de Chelles.
Vente du commerce Hiser à Decarpentrie
photo de son remorqueur
C'est fini les cargaisons de sable passent maintenant uniquement par le canal
le restaurant flottant peut s'installer à la place des barges du remorqueur et des grues....
Description des Tireurs de sable en Marne
Ici à la Varenne dans la boucle de ST Maur
Témoignage de Alain Créac’h né à Chelles
Dernière photo, par Alain Créac’h en 1955, du bateau drague coulé
Complément d'informations:
1929
Recherches et documentations Claude Schwartz (voir d'autres pages)
Explications techniques des machines Pierre-Louis Thill
Le dernier chellois témoin de l'existence des machines Alain Créac'h
Mise en pages et compléments divers Lucien Follet