Sur ce Plan daté de 1694 (Sud vers le haut) cette appellation en travers de la rivière Marne surprend, on en recherche immédiatement la provenance et sa redéfinition.
( La BNF ne donne pas de renseignement sur les chiffres romain de ce plan)
Si cette cartographie n’était pas aussi extraordinaire dans sa description des détails, comme les bancs se sable nuisant à la navigation, on pourrait penser à un lieu-dit anecdotique sans réelle importance, mais ce n’est pas le cas en voici la plus que probable appartenance.
Restituons les dates et les personnages, glanées sur divers sites internet :
Le château de Gournay, de style Louis XIII (l’actuelle mairie) que l’on voit sur cette image a été construit en 1680 par Louis Ancelin. ( La tour du Fort sur la gauche de l’image n’est pas encore détruite ?)
http///www.histoireeurope.fr/RechercheLocution.php?Locutions=Louis+Ancelin
La mère de Louis Ancelin avait allaité le roi, ce qui faisait dire que :
« Les deux petits Louis avaient tété la même mamelle »…
Son père, le seigneur Etienne Ancelin était maître d’hôtel du roi Louis XIV.
Louis ANCELIN a été nommé contrôleur général de la maison de la reine Marie-Thérèse, (http://aaaf.free.fr/_F_01.html)
« Le pont de bois du Fort de Gournay qui reliait les deux rives de la Marne, est démoli pendant la fronde, je dirais probablement pendant le blocus de Paris et les combats autour de Paris qui coïncident avec une grande crue début 1649 « (Claude Schwartz)
L’ancien Fort de Gournay a été détruit en 1667.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b5971781r?rk=64378;0#
Ci dessous en 1630 le pont à péage entre les deux fortifications du Fort de Gournay. Le Nord se trouve à gauche de l’image pour la route allant en direction de l’abbaye de Chelles.
Comparaison entre les deux rives: 1630 pour l'mage du haut et 1694 pour celle du bas, en partant de la droite:
- n° I le Fort de Gournay
- n° II pile du pont au bord du chemin de halage, rive gauche.
- n° III la pile est sur le petit îlot.
- n° IV la pile est sur l’îlot quasiment au centre du lit de la rivière.
- n° V la pile est dans le sable, non navigable.
- n° VI la pile également ensablée.
- n° VII la pile avec le chemin de contre-halage, rive droite.
- n°VIII le fortin Nord de Gournay avec la maison du péage.
La rivière s’écoule vers l’Ouest soit en bas de ces images.
Goulette est le féminin de goulet
à Gournay c’est donc la description sur la rivière d’un passage étroit pour les bateaux. Les mariniers auront pour la rivière Marne, en 1694, cette cartographie très précise des passages et des écueils du parcours, disponible de Paris à Vaires.
Ci dessus « Le Gué, la Passerelle et le Moulin de la Goulette «
à Nargis sur le Loing, l’appellation est donc usitée en France…
Le constat pour Louis Ancelin seigneur de Gournay est accablant, le passage de la circulation des bateaux devant son château est devenu impossible. Les limons sableux ont envahi les fonds et les berges de la Marne. Il fait appel à des tireurs de sable, mais le résultat est insuffisant… ( Voir la description, deux cents ans plus tard, des tireurs de sable à Gournay en 1875 par Hector Malot)
Pour l’aider à résoudre ce problème d’utilité publique, Louis Ancelin en appelle à l’autorité du royaume et c’est le bureau de Sébastien Le Prestre ingénieur hydraulicien qui lui répond que lors de son passage d’inspection vers les frontières de l’Est il s’arrêtera au château de Gournay pour étudier ce problème et y trouver remède…
Barrière Dominique vers 1610-1678 Halage dans un paysage vallonné ( extrait d'image, Musée du Louvre)
Le Prestre n’est autre que Vauban, génie multifonctions du XVIIe siècle au service de Louis XIV.
Wikipédia donne aussi ce renseignement:
Voilà l’énigme de la goulette de la Maréchale résolue ?
Vauban a été nommé Maréchal de camp en 1675, le flottage de bois et la navigation sur les rivières il connait…
il a donc ordonné de creuser et racler profondément le fond de la rivière entre les îlots proches de la rive gauche, le lieu montant du halage, exactement entre la deuxième et la troisième pile de l’ancien pont détruit, le reste de la rivière restant en l’état.
Pour le remercier, le nom de Madame Le Prestre, épouse Vauban, a été donné à ce passage en eau pour la navigation qui s’appelle désormais, sur carte:
« goulette de la Maréchale…. »
Avec une majuscule à Maréchale ce qui est loin d’être impersonnel…
(XVIIe siècle français, Paysage bord de rivière, peinture attribué à Jean-Baptiste Forest 1636-1712 BNF)
Déroulé du temps vu dans cet article:
1630 Pont à péage entre les deux rives de la Marne
1633 Naissance de Vauban
1638 Naissances de Louis XIV et sans doute de Louis Ancelin
1649 Pont sur la Marne détruit
1667 Ancien Fort de Gournay rasé (sauf la tour )
1675 Vauban nommé maréchal de camp
1680 Construction du château de Gournay (actuelle mairie)
1694 Plan de la rivière Marne de Paris à Vaires BNF
(mentionnant la goulette de la Maréchale )
En faisant, à la main, avec l’esprit humain, le travail ultra-rapide que pourrait faire aujourd’hui en quelque minutes de recherche sur un sujet particulier donné l’intelligeance artificielle, nous trouvons que le résultat présent de cette probable découverte n’est pas sans intérêt pour l’histoire.
Toutefois si la redéfinition de cette appellation de « goulette de la Maréchale » ne vous convenait pas, vous pouvez nous adresser vos remarques et suggestions, nous les publierons si tel est votre souhait…
Lucien Follet
SUITE de La Maréchale et des Lieux dits:
Sur cette carte de 1933 ce lieu dit La Maréchale existe encore.
Plan d'Intendance du Château de Champs 1783 (AD77)
il est précisé qu'il s'agit d'une Remise, à la frontière de Noisy
tout ce territoire étant répertorié comme appartenant à Madame Michel
l'épouse de Gabriel Michel ...
Cartographie avec le Ru de Nesles indiqué Ru de Nel
Rajouté sur la carte de l'Abbé de la Grive datée de 1740
l'emplacement de ces numéros:
j’ai trouvé une nouvelle piste d’archives (à consulter à Bobigny et peut être dans nos archives de Gournay) pour expliquer le nom de la « goulette de la Maréchale »Le résumé ci joint nous indique que la maréchale d'Hocquincourt était dame de Gournay en 1654.D’après Wikipedia, Eléonore d’Estampe (1607-1679) est depuis 1628 l’épouse de Charles de Monchy marquis d’Hocquincourt, ( 1599-1658) qui reçoit le bâton de Maréchal de France en 1651 (par Mazarin - Louis XIV) il trahit et sert les espagnols en 1655J’apprends son existence dans un acte de vente où la maréchale d’Hocquincourt céde le terrain d’une maison brulé pour payer la réparation du pont de Gournay, réparation du pont qui n’est pas intervenue. Elle avait donc encore les droits sur les passages de Gournay ( bac et goulette).L’acheteur, Etienne Le Vasseur (on l’écrit aussi Levassor) est déjà propriétaire du Fief de Palpoix qui contient le manoir seigneurial.Elle lui vend un terrain de maison brulée peut être qu’il s’agit des ruines du fort, terrains sur lequel Louis Ancelin (gendre de Levassor) construira le Château Rouge.
Claude Schwartz de la Société Historique de Gournay
sourcesFRAD093_80JArchives départementales de la Seine-Saint-Denis Seigneurie de Gournay-sur-Marne 1554-an VIII80J/1-8
(Ancienne cote aux Archives départementales des Yvelines : 53 J)
80J5 Ratification et enregistrement par le roi d’une vente faite par la maréchale d’Hocquincourt, dame de Gournay, à Etienne Le Vasseur, seigneur du château de Gournay, de l’emplacement d’une maison brûlée pour en appliquer une partie du prix de vente à la réparation du pont de Gournay.
1654-1655