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2 juillet 2023 7 02 /07 /juillet /2023 17:47

"Elle a passé le pont de Gournay. Elle a bu sa honte." Origine d'un dicton populaire à Paris au XVII ème

Mais d'où vient ce dicton ? Vous passez votre tour ? Donnez votre langue au chat ?

D'accord je vous raconte, nous remontons le temps, à Chelles et Gournay en 1650.

Pour m'aider, Maître Lucien Follet, a sélectionné une carte de Nicolas de Fer qui date de 1650 environ. Le cartographe de Louis XIV nous montre Chelles avec deux clochers et un gibet.  Chelles n'était encore qu'un petit village sur une petite hauteur cernée par des ruisseaux, des bras morts et des marécages.

En bas entre le village et la rivière Marne se trouvait une très grande et très riche abbaye royale dont les moniales bénédictines étaient dirigées par une puissante abbesse selon les règles de Saint Benoit.

 

"Elle a passé le pont de Gournay. Elle a bu sa honte." Origine d'un dicton populaire à Paris au XVII ème

De l'autre côté de la Marne se trouvait Gournay dont le seigneur vivait du péage entouré de quelques maisons de bergers et de pécheurs et à côté un riche prieuré de moines également bénédictins. Entre les deux, se trouvait un pont de bois protégé par des fortifications sur les deux rives.

 

L'explication du dicton populaire à Paris nous est donnée par Adrien de Valois, seigneur de La Mare, né le 14 janvier 1607 à Paris, mort le 2 juillet 1692. Il fut nommé historiographe du roi Louis XIV en 1664. Il écrivit en 1675, sa « Notice des Gaules » dans laquelle il consacra un article à Gornacum (Gournay-sur-Marne).

 

L'intéressant article peut être consultée en latin sur Gallica par ce lien https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1146851/f440

  

"Elle a passé le pont de Gournay. Elle a bu sa honte." Origine d'un dicton populaire à Paris au XVII ème

Pour ne pas vous infliger ma version latin-français de l'article, voyons ce qu'en disaient un siècle plus tard, en bon françois, MM. Hurtaux et Magny en 1779 dans leur Dictionnaire Historique de Paris et ses Environs tome III page 165, s'inspirant assez fidèlement d'Adrien de Valois pour l'explication du dicton.

 

 

"Elle a passé le pont de Gournay. Elle a bu sa honte." Origine d'un dicton populaire à Paris au XVII ème

source :  https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1040243q/f175     voir P.165-166

 

Le bon françois de 1778  ne vous convient pas,  qu'à celà ne tienne, en voici la brêve traduction :

"Monsieur de Valois rapportait en 1740 le proverbe populaire qui courait à Paris, en parlant d'une femme de mauvaise vie : "Elle a passé le pont de Gournay; elle a bu sa honte." Ce proverbe venait, disait-il, de ce qu'autrefois, lorsque la règle de la clôture était moins strictement observée dans les couvents de filles, les religieuses de Chelles dont l'Abbaye est presque vis à vis du Prieuré de Gournay sur l'autre rive de la Marne, passaient le pont et rendaient visites aux moines de Gournay."

 

 

Oui bon, il y a peut-être eu un peu de relâchement dans la discipline du couvent à Chelles avant 1550.  Mais peut-être que les religieuses passaient le pont uniquement pour partager des recettes de pâtisserie avec les bons moines.

Et puis "Boire sa honte" ça ne se dit plus. Toute honte bue signifiait : sans aucune honte, en se moquant du déshonneur qui peut provoquer une mauvaise action, en ne se souciant pas du mépris que peut causer une parole ou une action.

 

L'article Gornacum du dictionnaire de Adrien de Valois nous dit aussi que ce pont en bois de Gournay construit, emporté souvent par les crues, reconstruit jusqu'au 15ème siècle, solidement protégé par un fortin, renforcé au 16ème siècle, était situé 200 pas (150 mètres) en aval du bac de Gournay. Il était donc presque à hauteur de la mairie actuelle construite à partir de 1667 près des ruines de l'ancien fort seigneurial.

Ce pont de bois à péage était sûrement difficile à passer discrètement, surtout pour une religieuse même bien motivée, sans vergogne et sans quelques complicités vénales.

Pont hautement stratégique pendant les guerres de religion, il fut incendié par des gueux (surnom des protestants réformés) selon l'autre camps.

Carte montrant la proximité de l'abbaye de Chelles et du prieuré de Gournay, et le bac en 1740.

 

"Elle a passé le pont de Gournay. Elle a bu sa honte." Origine d'un dicton populaire à Paris au XVII ème

Extrait de la carte levée par l'Abbé de la Grive en 1740 pour le Prévôt de Paris. source Harvard Map

Consultable en noir et blanc sur Gallica

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530529879/f1.item

 

Claude Schwartz

 

 

 

 

 

 

 

 

Informations complémentaires sur lemarneux

 

Rappelons que le duc de la Vallière vendit son Domaine entier, Gournay inclus, à Gabriel Michel en 1763:

http://www.lemarneux.fr/article-achat-du-chateau-de-champs-et-ses-alentours-en-1763-102619548.html

 

La Justice à Chelles et Notre Dame de Souffrance:

http://www.lemarneux.fr/2016/04/la-justice-a-chelles-en-1740.html

 

 

Egalement que le descendant de Michel, le duc de Levis fit jeter un nouveau pont de bois entre les deux rives de la Marne avant d’en faire construire un solide en métal:

http://www.lemarneux.fr/2020/03/pont-a-peage-de-gournay-sur-marne.html

 

 

Et pour instruire sur les qualités de la dernière abbesse de Chelles:

http://www.lemarneux.fr/2022/10/decouverte-de-la-borne-de-l-abbaye-il-y-a-20-ans.html

 

 

 

 

"Elle a passé le pont de Gournay. Elle a bu sa honte." Origine d'un dicton populaire à Paris au XVII ème
Description generale de l'election de Paris contenant les chastellenies de St. Marcel, St. Denis et St. Maur, d'Argenteuil, Montmorency, Gonnesse, Chelles, Lagny, Villeneuve, St. Cloud, Poissy, Montlhery, Corbeuil, et Brie-Comte Robert, 1630 :  https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b5971781r
 
 
"Elle a passé le pont de Gournay. Elle a bu sa honte." Origine d'un dicton populaire à Paris au XVII ème

INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES au sujet de ce dicton:

 

Dans leur dictionnaire géographique  

MM Hurtau et Magny n’ont pas traduit en 1779 in extenso ce que disait Adrien de Valois. en 1675

 
 
voici qui n’ a pas été repris:
 
"Nimirum Gornacuma Cala interdluente Matronà vix tria millia passuum abest. Itaque olim Monachi Gornacenses ad Calenses Monachas vicinas fuas ventitasse,interdum eriam ipsae puellae transito Matrona ad Gornacentes sese contulisse dicuntur.Quod si qua fecisser tamquam quae virum paerte quaereret, pontem Gornacensen tralisse,ac pudorem omnein exstinxifrre et consumsisse ferbatur.Haec est haud dubiè origo proverbii, postea ad quaslibet libidinolas feminas impudicsque translati est ,…..etc…"
 
"Bien sûr, Gournay sur l’autre rive de la Marne est à peine à trois mille pas de Chelles.
Et c'est ainsi qu'on dit qu'une fois les moines de Gournay sont allés chez les religieuses voisines de Chelles, et que parfois les filles elles-mêmes se sont déplacées à Gournay en passant la Marne.
 
Mais si elles avaient fait quoi que ce soit comme de chercher un homme à marier,  (comme c’est bien dit) on aurait dit (avec raison) qu’ayant passé le pont de Gournay, elles auraient éteint et consumé toute honte.
C'est sans doute l'origine du proverbe, plus tard il a été transféré à toutes les femmes lubriques et impudiques, ….. etc " 
 
 
claude schwartz
 
PS  Chelles en latin se dit Cala et une chelloise se dit Calensae
Gournay  = Gornacum et  des gournaisiens = Gornacenses
 
 
 
 

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